(Géographie ancienne) île de la mer Egée, proche de Thrace, et à huit lieues du mont Athos.

On l'appela Dipolis, parce qu'elle n'avait que deux villes, Myrene et Héphaestia ; sa capitale , est le nom grec de Vulcain, à qui l'île de Lemnos était consacrée. Aussi porte-t-elle le surnom de Vulcania chez les anciens, jam summis Vulcania surgit, Lemnos aquis, dit Valerius Flaccus, Argonaut. l. II. Ve 78. Homère déclare que ce dieu chérit Lemnos par-dessus tous les pays du monde.

Quand Jupiter et Junon le précipitèrent du ciel, à cause de sa laideur, il fut accueilli dans cette ile, et même nourri par Eurynome, fille de l'Océan et de Thétis. En reconnaissance de ce bienfait, il y fixa son établissement avec ses cyclopes, pour y forger les foudres du maître de l'Olympe et les armes des héros. Cette fiction poétique tire son origine de deux causes ; 1°. du mont Mosycle qui vomit des flammes dans cette île ; et 2°. du préjugé reçu, que les Lemnéens étaient un des premiers peuples de la Grèce qui s'appliquèrent à forger le fer.

Mais quelle n'est point la longue durée des traditions fabuleuses ? Belon qui voyageait dans ce pays-là en 1548, " nous assure qu'il n'y a petit habitant de l'île de Lemnos, qui ne raconte à sa façon toute l'histoire de Vulcain, comme si elle était arrivée de naguere ".

Philostrate écrivait jadis que l'endroit où ce dieu tomba du ciel était remarquable par une espèce de terre qui guérit Philoctete de la cruelle morsure d'un serpent. Les Poètes ont peint à l'envi les peines que ce héros souffrit dans l'île de Lemnos, et Sophocle en a fait le sujet d'une de ses tragédies.

Les vertus de la terre lemnienne n'avaient point encore perdu de leur crédit dans le dernier siècle ; c'est la terre sigillée dont les anciens et les modernes ont tant chanté de merveilles. Busbecq en 1686, crut devoir envoyer sur les lieux un savant éclairé, pour savoir à quoi s'en tenir. Galien fit plus autrefois, il y alla lui-même en personne. Voyez donc TERRE LEMNIENNE ; car du-moins l'historique en est amusant, et s'il est trop long pour un extrait, voyez Belon, observat. liv. I. ch. xxij. xxiij. xxviij. et xxix. L'île qui la fournit, fit bien parler d'elle à d'autres égards.

Les sauterelles dont cette île était souvent ravagée, y donnèrent lieu à une loi de police fort singulière ; non-seulement chaque habitant fut taxé à en tuer un certain nombre, mais on y établit un culte en l'honneur de certains oiseaux qui venaient au-devant de ces insectes pour les exterminer. C'est Pline, lib. XI. cap. xxvij. qui nous l'apprend : voici son passage qui m'a paru très-curieux. In Cyrenaicâ regione, lex etiam est, ter anno debellandi eas (locustas), primò ova obterendo, deinde foetum, postremò adultas. Desertoris poena in eum qui cessaverit : et in Lemno insulâ certa mensura praefinita est, quam singuli enecatarum ad magistratus referant. Gracculos quoque ob id colunt, adverso volatu occurrente earum exitio. Les gracculi de Pline sont des espèces de corneilles, que nous nommons choucas rouges. Voyez CHOUCAS ROUGE.

Mais les sauterelles firent bien moins de tort à l'île de Lemnos, que les deux massacres qui s'y commirent, si nous en croyons le récit des Poètes et de quelques écrivains. Dans le premier massacre, fruit de la jalousie, de l'amour-propre, et de la vengeance, les Lemniennes piquées de l'abandon de leurs maris qui leur préféraient des esclaves qu'ils avaient amenées de Thrace, égorgèrent tous les hommes de leurs îles en une seule nuit. La seule Hypsipyle eut la religion de conserver la vie au roi Thoas son père, qu'elle prit soin de cacher secrètement. Le second massacre fit périr les enfants que les Pélasges retirés à Lemnos, avaient eu de leurs concubines athéniennes. De-là vint que toutes les actions atroces furent appelées des actions lemniennes, et qu'on entendait par une main lemnienne, une main cruelle et barbare.

Vous trouverez dans Hérodote et dans Cornélius Népos, comment les Athéniens conquirent cette île sur les Pélasges, sous la conduite de Miltiade, et vous accorderez si vous pouvez le récit de ces deux historiens.

Apollodore, Hygin, et le scholiaste d'Apollonius, remarquent que Vénus n'avait point de culte à Lemnos, et que la mauvaise odeur qui rendit les Lemniennes dégoutantes à leurs maris, fut un effet de la colere de cette déesse, irritée de voir que les femmes de cette île ne faisaient point fumer d'encens sur ses autels. Minerve avait eu la préférence sur la reine de Cythere ; car les habitants de Lemnos possédaient la Minerve de Phidias, ce chef-d'œuvre de l'art, auquel ce grand sculpteur mit son nom. Diane avait aussi ses dévots ; mais Bacchus était particulièrement honoré dans l'île de Lemnos. Comme elle était très fertîle en vins, cette seule raison a pu la faire regarder pour être consacrée au fils de Jupiter et de Sémélé. Quintus Calaber la surnomme , la vineuse ; nos voyageurs assurent qu'elle mérite encore cette épithète.

Son labyrinthe est le troisième des quatre, dont Pline a fait mention. Voyez le mot LABYRINTHE.

Si ce que Strabon avait écrit de cette ile, n'était pas perdu, nous aurions vraisemblablement plusieurs faits curieux à ajouter à cet article.

On sait les révolutions de cette île depuis la chute de l'empire grec : il fallut la céder à Mahomet II. en 1478. Il est vrai que les Vénitiens s'en rendirent maîtres en 1656 ; mais les Turcs la reprirent sur eux l'année suivante, et n'en ont point été dépossédés depuis. Ils la nomment Limnis : les Grecs et les Chrétiens l'appellent Stalimene, nom corrompu de . Voyez STALIMENE.

Philostrate littérateur était de Lemnos ; il florissait au commencement du troisième siècle sous Caracalla et sous Géta. On a une bonne édition de ses œuvres, Lipsiae, 1709. in-fol. (D.J.)

LEMNOS TERRE DE, (Histoire naturelle, Minéralogie) espèce de terre bolaire qui se trouve dans l'île de Lemnos fort vantée par les anciens. On en compte trois espèces ; il y en a de blanche, de jaune, et de rouge : cette dernière est la plus usitée ; elle est d'un rouge pâle, unie, et douce au toucher ; ses parties sont assez liées ; elle ne se dissout pas promptement dans la bouche ; elle ne colore point les doigts, et ne s'écrase point trop aisément ; elle s'attache fortement à la langue ; on la lave pour la séparer du sable qui peut y être joint ; son goût est styptique et astringent. La terre de Lemnos blanche est de la même nature que la rouge, et n'en diffère que par la couleur, et parce qu'elle ne fait point d'effervescence avec les acides, au lieu que le rouge y en fait un peu. La terre de Lemnos jaune a les mêmes propriétés que les deux précédentes, et n'en diffère que par la couleur. Les anciens et plusieurs modernes ont attribué de très-grandes vertus à cette terre ; il est assez douteux qu'elles soient fondées. On les trouve dans l'île de Lemnos, l'une des îles de l'Archipel, et la terre de la meilleure espèce ne se trouve que dans une seule ouverture ou puits, que l'on n'ouvre qu'une seule fois dans l'année avec beaucoup de cérémonies. Les habitants font commerce de ces terres, et on les contrefait assez souvent. Peut-être il y a lieu de croire que ceux qui en font usage ne s'en trouvent point plus mal. Voyez SIGILLEES (TERRES). (-)